
Olivier Salleron, président de la FFB, a présenté à Paris le plan de relance du Bâtiment.
© Véronique Cottier
Olivier Salleron, nouveau président de la Fédération française du bâtiment, a présenté le 30 juin un point de conjoncture post-Covid, mais surtout son plan de relance pour le secteur. Il faut faire vite car les dernières prévisions de la FFB tablent sur une chute d'activité de 18 % hors effet prix et la perte de 120 000 emplois si rien n'est fait avant le dernier trimestre.
Pour sa première conférence de presse en tant que président de la Fédération française du bâtiment, fonction prise officiellement le 12 juin, c’était un véritable baptême du feu. Olivier Salleron a tiré la sonnette d’alarme quant à l’état du secteur du bâtiment en ce début d’été, alors que la quasi totalité des chantiers a repris. Selon les dernières estimations de la FFB auprès de ses adhérents au 29 juin, 78 % des chantiers ont retrouvé une activité normale, 17 % une activité partielle et seulement 5 % sont toujours à l’arrêt (principalement en milieu occupé sensible comme des hôpitaux, Ehpad, écoles, etc.).
Une conjoncture catastrophique
Mais la bataille n’est pas gagnée, loin de là, car les chiffres de conjoncture sont effrayants si rien n’est fait. « Nous espérons un retour total à la normale après les vacances d’été, en espérant qu’il n’y aura pas de deuxième vague ! Car déjà, nous prévoyons une chute de l’activité bâtiment de 18 %, hors effet prix et 120 000 emplois en danger », annonce-t-il. Le “décrochage” pourrait même atteindre jusqu’à 200 000 postes en 2021. Sur le million et demi d’emplois que compte le bâtiment, c’est énorme.
Or, le confinement combiné aux incertitudes liées au report des élections municipales, au-delà des chantiers, a mis à l’arrêt ou au ralenti les services instructeurs des permis de construire comme les commissions d’appel d’offres. « Les entreprises “mangent leur stocks” d’activité d’avant le confinement. Avec le problème des surcoûts des chantiers, essentiellement supportés par les entreprises du bâtiment qui n’est toujours pas réglé, on peut estimer qu’on travaille à perte ! », alarme Olivier Salleron, qui estime « entre 30 000 et 40 000 les entreprises du bâtiment menacée de redressement judiciaire ou de faillite ». Clairement, le secteur ne peut attendre octobre pour de mesures gouvernementales applicables en fin d’année, pas plus que le vote définitif du budget et de la loi de finance rectificative en décembre.
Un plan “flash” applicable au plus vite
La FFB demande donc un plan « à prise rapide », ou un “plan flash” applicable en urgence, à l’image de ce qui a été fait pour d’autres secteurs mis à l’arrêt, « pour limiter le risque de trou d’air dès fin septembre jusqu’à décembre ».
Le président en appelle à Bruno Le Maire : « au sujet des surcoûts, il a déclaré à plusieurs reprises que l’État prendrait sa part et nous ne voyons rien venir, ni allègement de charge, ni aide particulière ». La FFB reste très active – Olivier Salleron parle même de « combat » – auprès du gouvernement comme des députés de tous bords, qui déposent des amendements lors de la discussion de la loi de finances rectificative en cours de discussion. « Il faut agir maintenant pour éviter le pire », martèle-t-il, en souhaitant une première volée de mesures d’urgence.
Pour lui, il est urgent « de mobiliser le plus possible les dispositifs qui existent déjà, bien connus et maîtrisés ». Il note aussi, à la lumière des résultats du second tour des élections municipales et de la “poussée verte” du 28 juin que « la préoccupation écologique ressort primordiale. La profession ne peut que se féliciter que la rénovation énergétique se trouve au cœur des aspirations des Français. Toutefois, la FFB ne croit toujours pas aux vertus de l’obligation, surtout sans financement pérenne associé », rappelle-t-il.
Un plan “bâtiment vert” de 5 milliards d’euros
Dans une deuxième phase, la FFB propose au gouvernement un plan “bâtiment vert” ambitieux, mais réaliste et chiffré au total à 5 Md€ par an. « Ce plan doit être programmé pour plusieurs années, car les Français, comme les entreprises, ont besoin de savoir où ils vont quand ils programment un chantier », précise Olivier Salleron.
La rénovation énergétique en est la part prépondérante avec une mesure phare : dynamiser très fortement les travaux de performance énergétique globale en portant le dispositif CITE/MaPrimeRénov’ à 400 €/ m² pour tous les ménages. En complément, et toujours dans le cadre de ce dispositif, la FFB demande la diminution du reste à charge pour les ménages modestes (400 €) et très modestes (200 €) ; la réintégration des déciles 9 et 10 (NDLR. Contribuables des deux dernières tranches d’imposition déclarant autour de 50 000 € pour deux salaires par an) ; la réintégration des chaudières au gaz THPE ; l’ouverture du dispositif aux résidences secondaires en Zone de revitalisation rurale (ZRR). Ce premier volets représenterait un surcoût budgétaire de 1,9 Md€ par an.
Toujours dans ce domaine, la FFB suggère « un “coup de pouce” pour la rénovation globale des maisons individuelles, soit une aide relevée d’environ 50 €/m² actuellement à 200 €/m², et le financement de tout ou partie d’un nouveau Contrat d’accompagnement énergétique (CAE) permettant de suivre et conseiller les clients après le chantier de rénovation ». Une proposition qui permet de renouveler la demande d’une TVA à 5,5 % pour tous les travaux, alors qu’actuellement seuls ceux concernant la rénovation énergétique bénéficient du taux réduit. Cette mesure couterait à l’État 1,4 Md€.
Aider aussi le neuf
L’accession à la propriété est aussi concernée par les propositions, chiffrées dans ce domaine à 0,6 Md€ par an. La FFB propose de rétablir un PTZ à 40 % du montant de l’opération pour les zones B2 et C dans le neuf et pour les zones A et B1 dans l’ancien avec travaux. Un autre point prévoit de porter la quotité à 60 % toutes zones, si une performance énergétique “supérieure” est atteinte, pour les constructions un “label RE 2020” à définir ; pour les rénovations, un saut de deux classes du Diagnostic de performance énergétique (DPE) après travaux.
L’investissement locatif privé a lui besoin d’un “choc de simplification” des différents dispositifs laissés en souvenirs par les différents ministres (Pinel, Duflot, Scellier, etc.). La FFB propose de « remplacer une fiscalité confiscatoire et ces dispositifs fiscaux dérogatoires par un système de droit commun général, durable, simple et lisible comprenant : l’amortissement du prix d’acquisition du bâti sur 50 ans (2 % l’an) dans le neuf et l’existant, pour le stock et le flux, ainsi que l’amortissement accéléré sur 20 ans (5 % l’an) en cas d’atteinte du “label RE 2020” en neuf ; l’amortissement des travaux sur 15 ans et un amortissement accéléré sur 10 ans si saut de deux classes DPE ; la déductibilité du revenu locatif brut des intérêts d’emprunt (sans limite), des petits travaux et des charges locatives ; un déficit foncier imputable sans limite sur le revenu global positif ». Ce volet permettrait même à l’état d’économiser 0,5 Md€ par an !
Lancer un grand plan Ehpad
Le plan de relance de la FFB comporte également un volet consacré au non résidentiel, « notamment au travers de l’ouverture transitoire du droit à sur-amortissement pour la construction de bâtiments dans le secteur privé, la majoration de 1 milliard d’euros de la Dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), ce qui permettrait d’accompagner le déploiement de centres de collecte des déchets professionnels ».
La FFB propose également dans ce domaine le lancement d’un grand plan Ehpad. « À la lumière des drames liés à la canicule il y a quelques années et, là, à l’épidémie de Covid, nous avons vu qu’il y a un énorme travail de constructions neuves, mais surtout de rénovation sur l’ensemble des établissements pour personnes âgées dont la population va s’accroître », constate Olivier Salleron, qui veut généraliser « une isolation thermique sans climatisation ou, quand cela n’est pas possible, une climatisation des chambres ou une installation de VMC ».
Une réussite sous conditions
On le voit, ce plan de relance est large mais pas inatteignable, sous réserve de quelques ajustements et mesures d’accompagnement pour assurer sa réussite, pour lesquels la FFB, là non plus, ne manque pas d’idées. « Tout d’abord, nous avons besoin d’un assouplissement des deux recommandations émises en décembre 2019 et confirmées il y a quelques jours par le Haut Conseil de stabilité financière (HCSF), à savoir ne pas accorder de prêt immobilier au-delà d’un taux d’effort de 33 % et pour une durée supérieure à 25 ans », explique son président. « On ne constate toujours pas de montée significative du risque lié à l’endettement immobilier en France, mais ces règles ont d’ores et déjà conduit à un durcissement de l’offre, avant même la pandémie. Les maintenir viendrait contrecarrer tout plan de relance bâtiment et toute velléité de faire financer des travaux lourds par du crédit. »
Ensuite, il demande une clarification des termes “artificialisation des sols”. « De fait, s’il s’agit de préserver la biodiversité, la simple consommation foncière, sans faire de distinction entre une valorisation environnementale du foncier (parcs, jardins, permaculture) et une véritable imperméabilisation des sols, elle se révèlera inopérante », prédit Olivier Salleron
Enfin, pour assurer un déploiement rapide du plan, il faut « l’assortir d’un nouveau choc administratif de simplification, notamment en matière de traitement des permis. Il comprendrait notamment une division par deux des délais d’instruction de ceux qui restent aujourd’hui bloqués, une accélération du processus de dématérialisation des permis et la création d’un permis déclaratif, obtenu après vérification de la complétude du dossier pour tous les permis de construire déposés sur le périmètre d’une opération réalisée sous permis d’aménager ou en zone d’aménagement concerté ».
Le président ajoute également à ce panier une demande côté commande publique : un relèvement à 100 000 € (contre 40 000 € actuellement) du seuil des appels d’offres. « Même de façon provisoire, cela simplifierait et accélèrerait les démarches », souligne-t-il.
150 000 talents à recruter d’ici 2023
L’objectif annuel de ce plan de relance est chiffré à 500 000 logements neufs et 500 000 logements rénovés. Un immense chantier pour lequel il va falloir recruter et former. « Par la voie de l’apprentissage nous proposons à la fois de former et de réinsérer des jeunes et des adultes en reconversion. L’ambition est haute, mais il faut que le bâtiment reparte », lance Olivier Salleron qui vise le recrutement de « 150 000 talents d’ici 2023 ».
Pourquoi cette échéance ? « D’abord, ce sera la fin du mandat. Ensuite, et surtout, en 2023, la France accueillera la finale mondiale des Olympiades des métiers WorldSkills à Lyon. Ce sera une occasion extraordinaire de rénover l’image des métiers du bâtiment, de montrer que c’est un monde de créativité, d’innovations et de haute technologie », ajoute-t-il, avant de se projeter après cette première échéance : « il faudra ensuite pérenniser ce chiffre à 100 000 par an. Nous voulons changer l’image du bâtiment et nous allons aussi mettre des moyens dans le domaine de la communication pour la faire évoluer. »
En espérant que l’état économique des entreprise leur permettra d’accueillir et de former ces talents en devenir.
Véronique Cottier