Jean-Christophe Repon, président de la CAPEB
© Véronique Cottier
Même si l'activité de l'artisanat a pu redémarrer progressivement dès avril, l'activité de l'artisanat du bâtiment s'effondre au deuxième trimestre 2020 avec un recul de 24 % en volume, après une chute de 12 % au premier trimestre du fait du confinement. Si la reprise est effective début juillet, l'avenir incertain pourrait avoir un impact encore plus lourd d'ici la fin de l'année. le nouveau président de la Capeb, Jean-Christophe Repon, a exprimé ses craintes devant la presse lors de sa présentation de la note de conjoncture trimestrielle.
Pour sa première rencontre avec la presse, le nouveau président de la Capeb aurait certainement préféré d’autres circonstances mais la conjoncture post-Covid, ou plutôt post-confinement n’est pas bonne comme le prouvent les chiffres publiés le jeudi 16 juillet portant sur le deuxième trimestre. Ainsi, après une première dégringolade de 12 % sur les trois premiers mois de 2020, l’activité artisanale a connu un effondrement à -24 % en volume de début avril à fin juin. Du jamais vu depuis l’après-guerre. « C’est une baisse historique, la plus violente depuis que la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment étudie l’activité du secteur », a expliqué Jean-Christophe Repon. Cette situation a plus d’impact sur la rénovation, souvent réalisée en milieu occupée qui affiche une baisse de 25 %, tandis que le neuf est à -22 %, alors que c’était l’inverse lors des crises précédentes, du fait de la méfiance des clients particuliers.
Une inégalité géographique
Et ce n’est sans doute pas terminé, même si 95 % des chantiers ont repris. En effet, les indicateurs ne sont pas bons et les craintes pour l’avenir sont réelles, tant sur l’activité que sur l’emploi. Les entreprises artisanales du bâtiment déclarent une capacité de production à 85 %. « Nous nous attendions à une reprise plus rapide », reconnaît le président de la Capeb, qui relève aussi que 88 % d’entre elles déclarent prendre en charge les surcoûts liés à la Covid-19, « ce qui est une vrai difficulté car cela revient bien souvent à se priver de marge ! », détaille Alain Chouguiat, directeur des affaires économiques de la Capeb.
Il y a aussi une inégalité géographique entre les régions, mais aussi entre zone urbaine et zone rurale. « Première région touchée par la Covid, le Grand Est connaît une baisse d’activité à -21 % entre le 2e trimestre 2019 et le 2e trimestre 2020, tandis que la région la plus touchée est l’Ile-de-France, de par la densité de population, avec une baisse d’activité de -30 % sur la même période », poursuit-il.
Des freins à la reprise d’activité
Les trois principales difficultés à la reprise d’activité sont clairement identifiées et il va falloir faire sauter les verrous avant la rentrée :
31 % des entreprises artisanales rencontrent encore des difficultés d’approvisionnement, « cela peut être très irrégulier et ponctuel, mais dans nos métiers, vue l’organisation en chaîne de nos chantiers, il suffit qu’il manque un petit élément à un moment donné pour bloquer tout le système », souligne Alain Chouguiat.
20 % des entreprises se heurtent encore au refus de la clientèle privée d’engager des travaux. « Il y a bien-sûr la question sanitaire, même si elle se pose moins avec l’adoption des gestes barrières. Maintenant les blocages son plus d’ordre économique avec des revenus en baisse chez nos clients, ou une incertitude sur leur avenir professionnel et une hausse du chômage potentiel », ajoute-t-il.
15 % reconnaissent avoir des difficultés à mettre en place les mesures préconisées par le Guide de l’OPPBTP.
Carnets de commande : reprise ou rebond ?
Parmi les données inquiétantes de ce bilan à fin juin, l’indicateur des carnets de commandes constitue une vraie préoccupation. En effet, de 75 jours à début janvier, on est passé à 65 jours à début juillet. « Ce qu’il faut voir dans ces chiffres, c’est qu’on a plutôt du stock, mais les carnets de commandes, c’est très compliqué à interpréter », avertit Alain Chouguiat. « On parle de reprise, il faut peut-être plutôt parler d’un rebond, rebond voulant dire “je prends toutes les commandes d’avant Covid et je les traite au mois d’avril, en mai, en juin, en juillet...”. Je peux aussi refaire des carnets de commandes. Mais on ne sait pas aujourd’hui jusqu’à quel niveau ce renouvellement des commandes va dépasser le cap du troisième trimestre. On s’interroge beaucoup sur leur renouvellement au quatrième trimestre. Est-ce qu’il y aura un trou d’air ? Est-ce qu’il y aura quelque chose de beaucoup plus important ? Nous n’avons pas les éléments à date pour répondre à cette question. »
Les consommateurs sont dans l’incertitude, attendent de voir comment va se passer le plan de relance ? Quel sera le niveau de chômage ? Leur revenu va-t-il baisser ? Y aura-t-il une deuxième vague ? Toutes ces questions ont évidemment des conséquences et il est difficile pour les artisans de voir très loin dans le temps. La fin de l’année s’avère complexe à appréhender. Avec des répercutions sur l’emploi, puisque au second semestre seulement 5 % des chefs d’entreprises ont cherché à embaucher, et au premier semestre 4 % ont réellement embauché. Pour l’instant, pas de vague de licenciements, 96 % des entreprises artisanales envisageant de maintenir l’emploi, dans un secteur où le manque de personnel qualifié est récurrent, et considèrent le licenciement comme l’ultime recours.
Deux scénarios pour la fin de l’année
Difficile donc de tirer des plan pour l’avenir même à court terme, c’est-à-dire pour le bilan annuel de l’activité en décembre 2020. La Capeb émet deux hypothèses, la plus “optimiste” tablant sur une baisse de l’activité entre -15 % et -17 % pour l’ensemble de l’année 2020, et la plus “dégradée” entre -17 % et -20 %. Rappelons que les chiffres de l’activité globale des entreprises de l’artisanat étaient de +2,5 % pour 2018 et +1,5 % en 2019. « Si l’on parle emplois, cela signifie 20 000 à 30 000 emplois perdus dans le premier cas, 25 000 à 35 000 dans le second ! On se prépare à un choc violent car depuis 2014, l’artisanat du bâtiment créait de l’emploi », prévient Jean-Christophe Repon, qui ne pense pas en revanche à une éventuelle baisse négociée des salaires. « On est depuis plusieurs années sur la compétence, et la compétence à un prix, vu les difficultés de recrutement que l’on a. Pour le moment, je n’ai pas la sensation que les artisans aient décidé de négocier avec leurs salariés une baisse de salaires même momentanée. On est sur le maintien de la production, le maintien de la compétence, c’est ça qui nous préoccupe le plus. »
Une visite au ministère fin juillet
Forcément, l’annonce des différentes aides à la relance du secteur a été suivie avec attention par les représentants du bâtiment, qui doivent rencontrer prochainement Emmanuelle Wargon, ministre déléguée au logement. « Nous avons rendez-vous au ministère la semaine prochaine (NDLR : durant la semaine du 20 au 26 juillet). Nous sommes plutôt satisfaits d’entendre que la rénovation énergétique et la rénovation des bâtiments sont une priorité », poursuit Jean-Christophe Repon. « Ce qui nous inquiète le plus, c’est comment cet argent actionne réellement l’activité. Ce que l’on veut, nous, artisans, ce n’est pas obligatoirement des aides, c’est de l’activité. On a des pistes de réflexion que l’on proposera à la ministre pour faciliter la reprise. Ce qu’il nous faut c’est de la visibilité, pour nous artisans comme pour les particuliers. » À ce titre, la Capeb plaide, entre autres, pour une stabilité et une simplification des démarches, et surtout un guichet unique pour que le consommateur ne se retrouve pas perdu dans les méandres des aides à la construction et à la rénovation.
Véronique Cottier
Source : CAPEB/I+C – Activité des entreprises de moins de 20 salariés – Juillet 2020.