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Pour le P-dg de Louineau, entreprise de conception et de fabrication de systèmes de fixation et d’habillage des menuiseries extérieures, Jean-François Robergeau, cette crise inédite peut créer des opportunités en termes de modes de travail, d’évolution sociale et environnementale.
Quels ont été les effets de la pandémie et du confinement sur votre activité ?
L’état de guerre a débuté le 17 mars sans aucune sommation. Nous avions un carnet de commandes plein, tant sur notre production industrielle de pattes de fixation que sur notre activité chantier. Le 18 mars nous n’avions plus de commandes. Elles ont toutes été stoppées par nos clients. Nous avons été contraints de mettre au chômage partiel l’ensemble des ateliers et une partie de l’administratif. Nous avons maintenu un volant d’activité commerciale, en télétravail, afin d’être prêts pour la reprise d’activité de nos clients. Ils étaient eux aussi en télétravail. Notre activité est passée de 0 en début de confinement à 30 % en avril et à 60 % actuellement.
Quelles mesures avez-vous prises pour vous adapter à la situation ?
Dès début mars, nous avons demandé aux commerciaux de privilégier le télétravail et la visio-conférence avec les clients afin de limiter le plus possible leurs déplacements. Cette action a été très bien perçue par les commerciaux comme par les clients. À partir de là, la prise de conscience a été forte.
Dans le même temps, nous avons anticipé le confinement et demandé au service informatique de valider avec les collaborateurs leur capacité à être en télétravail (matériel, qualité de leurs connexions internet…). Il y a eu un test pilote sur ce déploiement qui a été très vite concluant. Lorsque le 18 mars nous avons pris la décision de stopper la production, plus pour des raisons sociales que de sécurité, il était donc aisé de dire aux administratifs qu’à partir de ce jour ils seraient en télétravail. Cela les a d’ailleurs rassurés. De plus, je me suis engagé à ce que les responsables de service soient en contact avec leurs équipes au quotidien afin de garder le lien mais aussi de s’assurer de la bonne santé de chacun. Tous n’ont pas été en chômage partiel, dans un effort citoyen ; nous avons soldé les congés payés qui restaient de 2019/2020 et les RTT. D’autres ont pu bénéficier des Arrêts pour Garde d’enfants.
Comment le personnel a-t-il réagi à ce dispositif de crise ?
Dans tous les cas, les mesures prises et leur suivi ont rassuré et montré la force de l’équipe.
Avez-vous demandé des aides financières ?
Notre objectif a été de conserver notre trésorerie. Comme nous sommes une entreprise saine et historique, nous avons pu obtenir les aides financières : report d’échéances de nos partenaires bancaires, PGE…
Avez-vous eu des initiatives particulières en dehors de votre activité habituelle ?
Nous avions quatre boîtes de masques FPP2. Nous en avons fait don à l’ADMR (NDLR : réseau associatif de services à la personne).
Quand et comment s’est déroulé le redémarrage de l’activité ?
Dès le 30 mars, nous avons repris les commandes stoppées au 18 mars (nous avions une charge de 15 jours). Nous voulions être prêts quand nos clients reprendraient le chemin des chantiers. Il a été facile de redémarrer car même si les ateliers étaient arrêtés, les responsables de service étaient en action. Avec eux, nous avons travaillé en visio-conférence sur le plan de continuité. Ce plan a été présenté à l’ensemble des salariés le jeudi 26 mars. Il fallait rassurer et on l’a fait.
Quelles mesures avez-vous prises en interne pour respecter les différentes consignes sanitaires ?
Sur l’organisation, comme expliqué plus haut : télétravail, visio-conférence journalière avec les équipes et après avec les responsables de service. L’objectif consistait à être au plus près de l’actualité, de nos collaborateurs et de nos clients pour prendre les bonnes décisions.
Pour les ateliers, des mesures strictes de distanciation sociale ont été mises en place : mise en équipe des opérateurs afin de ne faire travailler qu’une machine sur deux, trouver des masques... Les masques en tissu ont été trouvés en local ainsi que des visières et 800 masques chirurgicaux par la dynamique du SNFA. Nous pensons en faire don à l’ADMR, car finalement nous préférons les masques en tissu, plus écologiques.
Quelles sont les conséquences sur votre volume d’activité et vos ventes ? Comment envisagez-vous l’avenir à court et moyen terme ?
Comme je l'évoquais précédemment, les conséquences ont été rapides : 30 % du C.A. sur mars, 50 % en avril et nous arrivons à 60 % en mai.
Notre avenir ? Serein, oui, car il y a du chantier, de la demande. On ne peut pas dire dans notre activité que ce qui n’a pas été fait ne sera pas fait ! On constate, et ça s’est renforcé pendant cette crise, qu’il y a encore une fois une France à deux vitesses. Il y a celle qui continue à avancer, qui prend des décisions, qui se bouge et innove. Et l’autre France, celle qui stoppe les obtentions des PC, qui annule les appels d’offre car il y a eu dépassement du délai administratif pendant la période de confinement…
Qu’avez-vous appris durant cette période de crise sur votre process, sur les hommes et femmes qui travaillent avec vous ?
C’est une crise qui a renforcé nos valeurs. Nous avons eu la chance d’organiser un « week-end salariés » juste avant le confinement, le 7 mars, et qui a réuni 40 personnes (et aucun cas de Covid-19 déclaré). À cette date, nous pouvions encore aller au restaurant, sur la plage… voire même voter ! Ce n’est pas en un week-end que l’on change un état d’esprit mais le renforcer oui. J’ai donc la chance d’être accompagné de femmes et d’hommes qui croient en ce qu’ils font, en nos clients. Pour ce qui concerne le process, travaillant avec les équipes dessus en faisant de la « bobologie » depuis des années, il est devenu très malléable !
Certains changements effectués pendant la période de confinement vont-ils perdurer ?
Nous y pensions déjà mais cette période de travail à distance, surtout pour les commerciaux, nous a fait accélérer dans cette réflexion. Nous sommes en train de revoir le mode de fonctionnement de la force commerciale en y incluant les ADV, faire de l’inside sales. Travail collaboratif, moins de déplacements, plus de travail de fond… Le moment est propice au changement car nos interlocuteurs sont aussi dans ce changement. Chaque crise apporte son lot d’opportunités. Dans tous les cas, il y a une opportunité collective à emmener : sur le respect de l’autre et de la terre. Allons vers une économie bleue où l’économie n’est pas que financière mais également sociale et surtout environnementale.
Si on ne fait rien maintenant, il y aura d’autres virus car notre terre, notre biodiversité, ne peut plus les absorber. On peut encore réagir !
Propos recueillis par la rédaction de Stores&Fermetures mi-mai 2020